Stefan se tenait debout devant son lit, au beau milieu de la pièce, vêtu d’une manière plus extravagante que jamais. De ce qu’on pouvait entrevoir, le jeune homme était décidément en pleine forme. Il avait récupéré au fond d’un carton tout poussiéreux qui trainait dans son placard aux portes grinçantes, une vieille perruque rose qui avait déjà fait son temps mais qu’il conservait précieusement tant elle était importante à ses yeux. Elle n’était plus très bien coiffée, mais peu importe. Stefan ne s’en trouvait que plus beau. Pour aller avec cette jolie coiffe, l’étudiant s’était tartiné les paupières d’eye-liner et de fard à paupières aux nuances bleues claires. Au coin de l’oeil, quelques fines paillettes faisait ressortir ses yeux verts étincelants. Il avait certainement dû y passer l’après-midi, sans compter tous les strass qu’il s’était collé un peu partout sur le visage pour tenter de briller par son originalité. On aurait dit qu’il sortait tout droit d’un film destiné à une légère partie de la population qui raffolait de ce genre de déguisement. Ou bien d’un reportage sur la communauté qu’il représentait allègrement. Pour aller avec ceci, Stefan avait acheté un ensemble qui sortait de l’ordinaire lors d’une brocante. Cette tenue datait elle aussi, et ne sentait plus vraiment très bon. Mais peu lui importait, car quand on aime, on ne sent pas. Il était donc habillé d’une veste nacrée multicolore, ou plusieurs taches se rencontraient et se mélangeaient pour ainsi créer des couleurs encore jamais vues jusqu’ici. En-dessous, il portait un petit chemisier blanc avec de longues manches qui couvraient la moitié de ses mains, et qui se terminait sur de jolis petits liserais en dentelle un peu jaunis... En guise bas, il portait un pantalon de velours violet assez clair, qui lui collait à la peau plus que de raison. Enfin, il s’était acheté des bottes viollettes fluo couvertes de paillettes alors qu’il habitait encore à côté de Londres et qu’il fréquentait des magasins un peu étrange...
Dans son magnifique accoutrement, le jeune homme scrutait les moindres détails de cette pièce qu’il connaissait presque comme sa poche. Quelques cartons qui n’étaient pas encore ouverts trainaient par-ci, par-là et lui servait provisoirement de table de chevet ou d’étagère. Preuve donc qu’il venait d’emménager très récemment... Stefan posa ensuite son regard sur les deux objets qu’il tenait dans ses mains : une grosse fleur couleur rose bonbon, et une cigarette. Ils semblaient tout deux magiques, et le jeune homme savait tout au fond de lui-même qu’il devait faire un choix entre la plante ou la nicotine. Il n’aurait pas su l’expliquer ni le démontrer. Il savait que c’était ainsi, et ce n’était pas discutable. Alors que faire? Parler à cette fleur et la voir éclore et devenir encore plus belle, ou tenter d’allumer cette cigarette pour calmer son cerveau qui commençait à bouillonner? Dilemme. Son regard se dirigeait tour à tour vers sa main droite ou gauche, comme s’il cherchait une quelconque notice qui lui permettrait de trouver la meilleure solution à son problème. Mais rien ni personne pour le guider... Mais là, juste au fond de la poche de sa veste, il sentait quelque chose! Ca lui semblait étrange, puisque ça bougeait! Un animal? Un humain miniature? On ne sait jamais... Si ce truc pouvait l’aider, alors c’était bien volontiers! Stefan ne pouvait rien faire. Englué aux deux objets, ses mains était prisonnière de sa décision. Une perle de sueur roula sur sa tempe. Il commençait à paniquer et à perdre tous ses moyens. Il tentait de contrôler sa respiration, mais rien n’y faisait vraiment. Il sentait son rythme cardiaque battre la chamade, comme si son coeur s’écrasait contre ses côtes à chaque battement! Dans un hurlement, il finit par laisser tomber la fleur, et venait ainsi de perdre une partie de lui-même. La douleur était intense dans tout son bras gauche, et il s’écroula sur le sol comme un vieux tas d’os qui ne vivrait plus. Retrouvant une respiration calme et posée, il plongea sa main endolorie dans la poche de sa veste. Si la chose mobile qui s’y trouvait n’avait pas pu l’aider, elle pourrait au moins confirmer son dangereux choix... Mais Stefan n’y trouva rien d’autre qu’un simple bout de papier froissé qui s’amusait à se plié et à se déplier à l’infini. Au dos de celui-ci, il était écrit en lettres majuscule de façon plutôt négligée le prénom d’une connaissance. Eurydice.
Stefan - M*RDE! Eurydice!!
Le jeune homme se réveilla en sursaut. Il avait atrocement chaud et cette fois-ci la sueur dégoulinait réellement de son front brulant. Il saisit le réveil qui se trouvait juste à côté de son lit, pour vérifier la position des aiguilles. 15:47. Surpris, Stefan ne put s’empêcher de jurer dans toutes les langues qu’il connaissait. Il avait donné rendez-vous à Eurydice chez lui, à 16 heures tapantes, et il n’était pas encore prêt. Encore un peu assommé de la veille, il avait à peine le temps de prendre une douche et de se faire une «beauté» pour ainsi pouvoir accueillir la jeune fille comme il se doit. Ils s’étaient vus plusieurs fois au coeur des derniers jours dans diverses soirées, divers bars qu’ils aimaient fréquenter tous les deux, et Stefan était ravi de cette rencontre. Lui qui venait à peine de débarquer à Bristol, il cherchait avant tout à se lier d’amitié avec d’autres jeunes gens histoire de ne pas se sentir coupé du monde et de ne pas devenir complètement taré, tout seul enfermé dans son gourbi. Il s’empressa donc de se choisir un jean et un caleçon dans sa grande armoire qui prenait pratiquement toute la place dans sa petite piole, et se rua dans sa salle de bain pour s’y enfermer et passer les dernières minutes qu’il lui restait à se rendre présentable. Première chose, rasage. Tant pis pour les blessures, ça fait virile... Enfin, ça fait surtout manchot! Une petite douche, un brossage de dents et puis hop! Pas le temps de dire ouf, elle serait là d’une minute à l’autre.
Quand la sonnerie de la porte retentit, Stefan était fin prêt. Il se dirigea dans l’entrée, souffla un grand coup pour ne pas paraître plus stressé qu’il ne l’était déjà, s’éclaircit la gorge (afin d’éviter d’avoir la même voix que Choubacka, puisqu’il venait à peine de se réveiller), et posa sa main sur la poignée. Etait-ce le bon choix à faire, une fois de plus? Il n’en savait rien. Il ne réfléchissait plus et avait déconnecté son cerveau du reste de son coeur. Tellement qu’il ne s’était pas rendu compte qu’il était encore torse-nu, toujours ruisselant en raison de la douche qu’il venait de prendre... Il avait encore une serviette dans le haut de sa nuque. On aurait dit qu’il sortait tout droit d’une série américaine, vous voyez le genre? Tout ça pour dire que sans le savoir, il incitait franchement au vice...